Je dormais paisiblement enroulée dans ma couette lorsque la porte de ma chambre – ou plutôt devrais-je dire de ma suite – s’ouvrit. Les pas se dirigèrent jusqu’aux épais rideaux qui couvraient la porte-fenêtre menant à mon balcon jusqu’à ce qu’ils soient tirés. Je lâchais un grognement agacé avant que la voix familière de Miss Mackenzie ne se fasse entendre :

Miss Mackenzie prit congé. J’attendis que mes yeux s’habituent à la lumière ambiante pour repousser les couvertures, m’asseoir dans ma couche et me frotter les yeux pour mieux me réveiller. Aujourd’hui était un grand jour ! J’allais enfin quitter cette demeure et pouvoir vivre en paix avec un bon nombre de Yajuus de mon âge mais surtout différents ! Un large sourire éclaira mon visage et termina de me réveiller. Il ne restait plus beaucoup de temps à jouer la comédie, je pourrais enfin vivre comme j’en avais envie, si on ne comptait pas les règles de l’internat… Enfin ce n’était pas cher payé pour tous les avantages que cela m’apportait.

Je quittais mon lit pour rejoindre ma salle de bain personnelle et pris une bonne douche revigorante avant d’en sortir toute pimpante et pleine de gaieté. Décidemment cette journée s’annonçait très bien ! J’enfilais un jean slim de couleur foncé ainsi qu’un petit top violet par-dessus des sous-vêtements de dentelle noire puis entrepris de sécher ma tignasse. Je la démêlais et la coiffais correctement sans fantaisie puis retournais dans ma chambre pour enfiler une paire d’escarpins noirs à petits talons. Je descendis ensuite à la cuisine prendre mon petit-déjeuner puis remontais pour terminer ma toilette. Après m’être brossée les dents et parfumée, je pris le soin de me maquiller en accordant les couleurs avec ma tenue puis d’ajouter quelques bijoux fantaisie comme un long collier à perles noires, des boucles d’oreilles assorties, un bracelet et une bague. Je n’aimais pas porter tout ça, c’était trop tape-à-l’œil à mes yeux mais bon, c’était la dernière fois que le faisais avant un bon moment… Un dernier regard à mon miroir me permis de constater que mon allure affichait clairement de quel milieu j’étais issue. Je m’en détournais et retournais dans ma chambre.

Des vêtements à la mode, des bijoux aux prix exorbitants, des produits de qualité… au final qui est-ce que ça rendait heureux ? Ce n’était qu’un moyen de plus de montrer sa richesse et de snober les « pauvres ». Je détestais cet état d’esprit ! En soupirant, j’attrapais le cache-œil posé sur ma table de nuit et le fourrais dans mon sac à main avant de finalement quitter la pièce qui avait toujours été mon antre. Je descendis les escaliers et trouvais mes parents au rez-de-chaussée. Pas d’étreintes chaleureuses, pas de pleurs ni de « Bon voyage », juste une recommandation :

J’hochais poliment la tête.

Il n’y eut rien de plus, juste un sourire fier du paternel, comme s’il sentait que sa fille était enfin entrée dans le moule et qu’il tirait les ficelles. Si seulement il savait… Je quittais la maison et entrais dans la voiture. Un dernier geste de ma part et elle démarrait pour m’emmener loin, très loin de chez moi. Je ne sus combien de temps nous roulions mais cela m’était bien égal, enfin presque… J’avais tout de même hâte de débarquer à Phoebe, de rencontrer de nouvelles têtes, de me faire des amis et de vivre ma vie comme je l’entendais… mais je me répétais, non ?

Il n’était pas loin de onze heures lorsque les pneus crissèrent devant l’entrée. Je profitais du moment où le conducteur sortit de la voiture pour sortir le cache-œil de mon sac et l’enfiler puis je quittais l’habitacle à mon tour. Le pensionnat était dès à présent sous mes yeux. Immense, sobre et accueillant furent les trois adjectifs qui me vinrent en tête lorsque je pris le temps de l’observer. Je tendis la main vers le domestique pour qu’il me donne ma valise mais rien ne vint. Je me retournais donc vers lui et découvris son air surpris.

Ah oui, les codes… Sachant pertinemment que chaque geste était surveillé par mon paternel – et même au cas où – je répondis :

J’esquissais un sourire amical puis m’avançais vers le pensionnat en faisant rouler ma valise. Ouf ! Enfin débarrassée de cet air bourgeois ! Je poussais les deux portes qui menaient au hall d’entrée puis m’extasiais sur la décoration. Eh bien, de la moquette dans le hall d’un établissement scolaire ! C’était peu courant. Je soulevais légèrement mon cache-œil en ayant bien pris soin de vérifier qu’il n’y avait personne dans les parages afin d’admirer la pièce comme il se devait puis le remis rapidement en apercevant une élève. Je toussotais pour me redonner une contenance puis la hélais gentiment :

Parler en tutoyant quelqu’un me paraissait si lointain que je ne pus m’empêcher de sourire en le faisant. Ça faisait du bien de pouvoir parler entre jeunes, sans se prendre la tête et surtout sans se demander de quelle famille elle pouvait bien provenir ! Ici, on s’en fichait. Chaque élève était à hauteur égale et c’était précisément cette ambiance que j’étais venue chercher. A bien y repenser, la seule personne que j’avais tutoyée dans ma vie… Mon cœur se serra, j’eu comme l’impression d’avoir le souffle coupé avant de penser à autre chose et me focaliser sur la jeune élève qui volait à mon secours.

Je lui souris en retour et lâchais un petit soupir soulagé.

Je prenais bonne note de ce qu’elle faisait pour moi histoire de pouvoir lui rendre la pareille un jour ou l’autre. Je fus heureuse de constater que l’hostilité entre les Yajuus était totalement éteinte, du moins pour l’instant, au point que tout le monde puisse s’aider les uns les autres. Mes yeux pétillèrent et mon énergie redoubla d’intensité au point que j’en devins limite hystérique mais je me contenais. C’était quelque chose que j’avais appris à faire depuis ma naissance après tout… Je regardais la jeune fille d’un air amical puis la curiosité me piqua :

C’était sûrement impoli mais pour une fois depuis très longtemps, je m’en moquais éperdument. Au pire des cas elle m’enverrait balader ou ignorerait ma question. Mon sourire s’élargit de plus belle. Non, je n’étais pas masochiste au point d’espérer un refus de sa part mais lorsqu’on était issu de mon milieu et surtout de ma famille, les rejets étaient très peu courants pour ne pas dire quasi nuls. Alors oui, une vie banale m’alléchait et me rendait folle de joie.

Mon visage s’assombrit quelque peu après avoir prononcé ces paroles. Là encore, cette présentation familière me ramenait à lui. Je secouais légèrement la tête. Je n’allais pas me mettre à ressasser les souvenirs à chaque fois que j’adresserais la parole à mon interlocutrice quand même ! Elle allait vraiment finir par me prendre pour une folle… Je me recomposais un visage souriant en attendant ses réponses.