Samedi soir. Bon nombre d’élèves parlaient de sortie dans les couloirs, certains pensaient se promener en ville, d’autres à aller boire un verre ou à faire la fête… Je faisais pourtant partie de ceux qui n’avaient rien de prévu. Après tout, j’étais arrivée la veille, je ne connaissais personne et encore moins la ville. De quoi rafraîchir mes ardeurs et me pousser à rester au pensionnat à bouquiner bien au chaud sous ma couette. Certes, ce n’était pas comme cela que j’allais me faire des amis mais j’avais tout de même le droit à un peu de répit, non ?!

Je continuais mon petit bonhomme de chemin, tournant quelques fois la tête pour me repérer et mémoriser les lieux, croisant les regards des filles bien habillées ou au contraire prêtes à aller flemmarder – cool je n’étais pas la seule ! – ainsi que ceux des garçons qui, ma foi, avaient l’air de beaucoup apprécier la soirée vu comment certains en parlaient…

J’entrais enfin dans le réfectoire et remerciais d’ailleurs Mitsuki intérieurement pour m’avoir fait visiter au préalable, puis me dirigeais vers les plateaux. Le choix était varié, il y avait vraiment de tout ! A croire que l’établissement tenait vraiment à faire plaisir au régime alimentaire de tous les Yajuus. Je ne m’en plaignais pas, bien au contraire et me servis généreusement de spaghettis à la carbonara ainsi que de mousse au chocolat. Pour garder bonne conscience, je pris tout de même deux pommes avant de commencer à chercher une table où m’installer. Bien que pas mal de pensionnaires parlaient de sortie, ils s’étaient visiblement fait passer le mot pour manger au réfectoire avant de partir puisque la totalité des tables étaient prises. Bon ben comme ça je pourrais au moins avoir une vie sociale ce soir, c’était un bon point ! J’en repérais une dans le fond, non loin de la fenêtre et m’y approchais. Je ne vis qu’elle était occupée qu’une fois arrivée à sa hauteur et demandais donc gentiment :

Le jeune homme m’accueillit tranquillement, poussant ses affaires pour que je puisse m’installer et faisant une chose « étrange » qui m’étonna. Il venait de me tirer la chaise ? Je le remerciais avec étonnement une fois m’être assise puis posais mon plateau sur la table. Décidément depuis que j’étais arrivée, tout le monde se comportait de façon bourgeoise, à croire que le milieu que j’avais décidé de fuir par moi-même me rattrapait au pensionnat. C’était inscrit sur mon visage que je venais d’une famille de riche ou quoi ? Enfin, ça venait d’un bon sentiment même si je ne comprenais pas vraiment pourquoi il me disait :

Je ne répondis pas et commençais à organiser mon plateau tandis qu’il partait remplir le sien. J’entendis des remarques derrière moi et ne pus m’empêcher de les écouter. De qui parlaient-ils ?

Et les commérages continuaient. Je soupirais, n’y prêtant plus attention mais partis tout de même dans mes pensées. Le grand brun qui m’avait courtoisement aidée à m’installer était un bagarreur ? En tout cas, si ce qu’il se disait était vrai, il n’avait pas froid aux yeux pour s’en prendre à deux guépards. Ces imposantes boules de poils n’avaient pas un caractère très pacifique… Cela voulait donc dire qu’en plus d’être un battant, le nouvel élève était soit très fort, soit suicidaire. A voir.

Le garçon revint à table et me demanda mon prénom. Franchement, il ne m’avait pas l’air d’être violent, je dirais même qu’il m’apparaissait comme étant quelqu’un d’amical. Les gens aimaient trop coller des étiquettes sur les autres. Je lui offris un sourire amical puis répondis :

Je commençais à manger mes pâtes, un peu songeuse en ressassant les paroles des deux filles derrière moi qui bizarrement s’étaient tues à l’arrivée de mon voisin de table.

En tout cas ce que j’appréciais chez lui était sans aucun doute son manque de curiosité. Il n’avait posé aucune question sur mon cache-œil et ne semblait d’ailleurs pas s’en encombrer. C’était bien la première personne qui ne me posait aucune question là-dessus et je lui en étais reconnaissante. A moins qu’il n’ait pas vraiment fait attention. Bah… Je verrais bien…

J’hochais la tête lorsqu’il se présenta. Shin… Tiens ça me rappelait le gymnase de ce matin ça ! S’était-il battu avec Sancto ? Cela expliquerait pourquoi ce-dernier était si rageur pendant son entraînement. Je ris jaune intérieurement. Voilà que je rencontrais les deux ennemis dans la même journée pourtant ils étaient vraiment pacifiques quand nous discutions.

Allons bon voilà qu’il avait une sale réputation à cause d’un règlement de comptes dès son arrivée. C’était vraiment la faute à pas d’chance ! Je maintins mon regard dans le sien et souriais gentiment avant de poser ma fourchette et de déclarer :

Je mimais son geste histoire de me rafraîchir un peu puis repris mes couverts pour manger quelques bouchées avant de reprendre :

Je continuais mon repas, satisfaite d’être tombée sur lui. C’était vraiment quelqu’un d’agréable et de discret, enfin à sa manière. Il ne posait pas de questions superflues, était amical et ouvert. Très honnêtement je ne comprenais vraiment pas pourquoi les gens le craignaient – son tempérament combatif mis à part. Les ragots reprirent de plus belle, ce qui eut le don de mettre mes nerfs à vif. Non mais pour qui elles se prenaient ces pimbêches ?! Shin fut plus rapide que moi en posant son verre brutalement – je craignais d’ailleurs qu’il finisse par se briser mais non – et en les engueulant avec un beau doigt d’honneur. Il finit par les ignorer pour reprendre la discussion avec un sourire :

Mes nerfs se relâchèrent et je me mis à rire. J’attendis de me calmer avant de lâcher :

C’était vraiment le genre de gars amical qu’il ne fallait pas chercher tout simplement. Il se fichait des politesses et des convenances, n’écoutait que lui-même… Là j’avais l’impression de changer d’air ! Je ne regrettais pas du tout d’être descendue dîner finalement. Je gardais un large sourire sur mes lèvres et demandais :

D’accord je ne savais que son prénom, oui j’étais au courant de sa réputation et non je ne le connaissais pas mais la perspective de passer une soirée en tête à tête avec mon bouquin ne m’intéressait plus. Nous étions samedi soir quand même !

Je n’eus le temps d'ouvrir la bouche que déjà il s'emparait de ma mousse au chocolat et la dévorait. J'aurais pus m'énerver et lui balancer ses quatre vérités dans la figure mais je n'en fis rien. Sa réaction m'amusait à vrai dire. Il était vraiment hors du commun celui-là ! Je continuais à manger mon plat principal et répondis :

Je finissais mon repas lorsqu'il s'écria :

J'allais répliquer que ce n'était pas la peine mais il fut plus vif que moi et se leva de table. Je pensais tout simplement qu'il irait en rechercher une au buffet mais je me trompais une fois encore. Il revint avec un dessert chipé à la table de derrière qu'il me donna en déclarant que sa dette était remboursée. Les filles n'avaient rien dit, probablement parce qu'elles craignaient ses représailles. Je souris une fois de plus avec amusement tout en repoussant la mousse au chocolat pour m'emparer d'une de mes pommes.

Je lui fis un clin d'oeil et ajoutais :

Je ris à nouveau et croquais dans ma pomme, lui tendant la deuxième. La curiosité me piqua et je finis par lui demander :

Je remerciais gentiment Shin pour son compliment et le laissait écraser la mousse au chocolat sur la tête d’une fille. Mouais… Ce n’était pas très intelligent mais la tronche qu’elle tirait avait au moins le mérite d’être drôle. Je gardais un sourire un coin. Les racontars étaient toujours punis un jour ou l’autre, il faisait bon de voir qu’il y avait au moins une justice. Le garçon se rassit à ma question et son air se rembrunit. Contrairement à d’autres, je n’avais pas peur ni de sa colère ni de son caractère changeant. J’allais m’excuser pour avoir posé la mauvaise question mais il me répondit et je gardais le silence. Donc ce n’était pas la première fois qu’il se battait et il était ici justement parce qu’il avait besoin d’une nouvelle école ? Ça commençait mal si dès son arrivée, il se fritait avec deux Chiitas parce qu’à mon avis ça n’allait pas en rester là ! Bahh, je n’étais pas sa mère et je n’avais pas à m’immiscer dans sa vie, c’était lui qui gérait pas moi. Il se releva et lâcha :

Je lui souris comme pour m’excuser de ma question gênante puis l’accompagnais dans les couloirs, chacun une pomme à la main. Je lui donnais rendez-vous devant le dortoir Gaïa d’ici dix minutes puis entrais dans ma chambre en finissant mon fruit. Je jetais le trognon dans la poubelle et me lavais les mains avec de l’antiseptique puis troquais mon haut ample contre un top sombre en dentelle que j’agrémentais d’un gilet. Je pris ensuite le temps de souligner mon oeil d’un trait de crayon noir puis ajoutais du mascara avant de me recoiffer correctement. J’attrapais ensuite ma sacoche ainsi que ma veste puis sortis de ma chambre non sans m’avoir parfumée au préalable. Une douce odeur de noix de coco régnait dans l’air lorsque je verrouillais la porte. Shin était déjà là, je lui offris un autre sourire amical et m’écriais d’un air joyeux :