La main posée sur la vitre, Haru observait les flocons voleter délicatement dans les airs. Avec des yeux d’enfants, rieurs et joyeux, il observait la neige s’installer sur le paysage, le recouvrant d’une fine couche blanche. Le froid traversait la vitre, et venait s’acharner sur la peau, qui sans protection ne pouvait que subir cette froide morsure. Mais le blond s’en fichait. Tout ce qu’il voulait était d’observer la neige. Il aurait pu quitter la salle en cet instant juste pour sentir la froideur des flocons, s’il n’était pas en cours. L’hiver avait toujours eu cet effet sur le jeune homme. Plus il faisait froid, plus son âme semblait retourner dans l’enfance. Comme le rappel des premières années de sa vie, quand il jouait, se chamaillait ou courait dans la neige, insouciant et innocent.

« Monsieur Kazama ! La neige ne va pas fondre d’un instant à l’autre. Si vous pouviez donc vous concentrez sur le cours, cela nous arrangerait tous. »

Comme si la professeur qui venait de parler n’avait pas l’habitude que le chiita soit aussi déconcentré. Elle cherchait juste à assoir son autorité dans une classe où tous les regards, et toutes les attentions étaient tournés vers l’extérieur, où il neigeait. Et pour ce faire, elle n’avait pas trouvé mieux que de faire la remarque à Haru, dont la réaction était certes la plus démesurée, mais qui n’en avait rien à faire. C’est pourtant avec regret qu’il enleva sa main, dans un gros soupirement qui lui valu un œil noir de l’institutrice. Tant pis, il attendrait le soir.

Allongé sur son lit, perdu dans ses pensées, l’étudiant fixait le plafond de sa chambre. Il n’avait pas eu le temps d’aller dehors. Ou plutôt, n’avait pas trouvé l’envie. Pourtant, comme il s’agissait des premières neiges, il aurait dû être plus enthousiasme. Mais il n’en était rien. L’après-midi était passée, le repas aussi, sans qu’il ne mette un seul pied dehors. Contrastant ainsi avec de nombreux camarades, qui s’étaient empressés de gouter aux incontournables batailles de neige, salissant le pensionnat de partout à leur retour. Mais maintenant que la nuit était tombée, que tout le monde s’était retiré dans sa chambre, Haru avait enfin envie d’aller dehors, voir l’épais manteau blanc qui s’était abattu sur toute l’école, et sur toute la ville. Se levant discrètement, il sortit de sa chambre, et après avoir monté les marches, il se retrouva sur le toit. Haru respira à plein poumon l’air frais de l’hiver. Se laissant emporter par l’ivresse du froid, il fit quelques pas, avant de voir qu’il y avait déjà quelqu’un. Un inconnu aux yeux du blond. S’approchant de celui-ci, il s’accouda à la rambarde, et presque aussitôt, vint briser le silence dans lequel était plongé le toit. Son but premier étant de faire peur au pensionnaire aux yeux clos.

« La neige est magnifique non ? »

{J'm'incruste, si tu veux pas de moi, il faut se plaindre au service client 83.}

Un silencieux. Un de plus. A croire qu’il n’y avait que ça dans le pensionnat. Il devait faire partit de ces personnes indignes d’un quelconque intérêt si l’on ne creusait pas assez, ou si l’on n’avait pas la patience suffisante pour attendre qu’elle s’ouvre toute seule. Malheureusement, en cette soirée d’hivers, Haru n’avait ni la patience, ni l’excentricité nécessaire pour entretenir une conversation, ou même pour faire semblant d’être sociable. Il avait des jours où la motivation ni était pas, et ce jour-la en était un.

Accoudé contre la rambarde, les pieds dans la neige, les bras pendant à moitié dans le vide, le blond resta dans cette position, sans bouger. Il profitait de la vue, paisiblement. Sans ce soucier de ce qui l’entourait. Ni même de qui il était. Se laissant seulement bercer par les tourbillons de vent, qui venait régulièrement souffler sur le toit, emportant avec eux quelques flocons de neige.

Emporté par la beauté du paysage, ce n’est qu’après un lap de temps qu’il se souvint de la présence d’un camarade à ses côtés. Un camarade, qui –il faut le dire- semblait si obnubilé par l’arrivé du représentant de l’hiver, qu’il ne daignait même pas faire une phrase. Le seul échange connu en ce jour avec Haru était un simple mot, et un regard plus gênant qu’autre chose.

Haru savait qu’il ne devrait pas faire ça. Que cela lui apporterai sûrement un ennemi de plus. Mais cela faisait trop longtemps, c’était plus fort que lui. Une boule de neige fusa, venant s’éclater dans le dos de l’inconnu silencieux, outrecuidant. Un geste lâche, me diriez-vous ? C’était la tête, ou le dos. La deuxième solution avait été la meilleure. A présent, le blond était plusieurs pas en arrière, il s’était reculé discrètement pour préparer son attaque et pour mieux viser. L’autre étudiant n’avait sûrement même pas remarqué sa retraite.

« Tu m’excuseras, c’était toi, ou les gens qui se promènent, en bas. Contrairement à eux, tu sauras que c’est moi. »

Il s’en voulait légèrement. Il était déjà venu déranger l’inconnu, et en plus, maintenant, il lui lançait une boule de neige, alors qu’ils ne se connaissaient pas, qu’ils venaient juste de se rencontrer, et surtout, mais.. What the fuck ? Haru n’avait jamais été gêné par ce qu’il faisait, ni par tous les gestes puériles accomplis, ni pour toutes les choses insensées qu’il avait fait. Cela revenait à se remettre en question. Et le chiita n’avait jamais renié qui il était. Cela n’allait pas commencer maintenant.

{Désolé, quand je suis malade, j'écris bizarrement ><}

Il s’attendait à beaucoup de réactions possibles : A ce qu’on le poursuive pour lui faire avaler de la neige, raison pour laquelle il était vers la porte. A ce qu’on l’ignore complètement, après tout, ce n’était qu’une simple boule de neige. Ou encore à ce qu’on l’insulte violemment. Mais Haru ne s’attendait pas à ça.

Lorsqu’il l’avait lancé, il avait simplement pensé qu’elle viendrait s’écraser contre l’inconnu, avant de glisser par terre. Le blond n’étant pas connu pour sa force légendaire, il n’avait pas pris la peine de doser, ni même pris le temps de réfléchir avant de faire son geste. La première boule de neige de l’hivers d’Haru était toujours lancée intuitivement, dès qu’il y avait une personne et de la neige à côté de lui.

Et puis, il y avait eu ce regard de haine, le traversant entièrement, sans qu’il ne puisse détourner les yeux, tant le sentiment était extrême. S’il n’y avait eu que ça, Haru n’y aurait pas mis d’importance. Avec les ennemis qu’il s’était fait récemment, il commençait à s’en accommoder. Même si cela ne devrait pas devenir une habitude. Mais en plus de ce regard, l’autre c’était mis à saigner. C’est la raison pour laquelle Haru se tenait encore sur le toit, malgré l’aura de l’envie meurtrière de l’autre pensionnaire.

Maintenant, plusieurs choix étaient possibles. Il y avait celui où Haru jouait les égoïstes, en s’en allant sans dire un mot retourner dans sa chambre, laissant l’étudiant du toit se vider de son sang jusqu’à ce que quelqu’un arrive. Mais s’il faisait ça, il n’allait pas qu’être celui qui avait lancé la boule de neige. Il allait aussi être celui qui allait avoir de graves ennuies quand l’inconnu le reconnaîtrait. S’il mettait en exécution ce plan, il méritera bien le nom d’enfoiré.

Haru n’était pas comme ça.

Certes, comme tout chiita il aimait se battre. Ainsi qu’affliger des blessures plus importantes que celles reçues lors des combats. Mais, il n’y avait pas eu de bagarre aujourd’hui, et encore moins contre celui qui perdait son sang. Le laisser ainsi, dans la neige, dans le froid, avec le liquide poisseux se répandant tout autour de lui n’était pas juste.

Haru fit donc sa première bonne action de la journée : Il s’approcha de l’étudiant, malgré le magnifique « crève » qui donnait très envie d’aider.

« Je crèverai lorsque je le déciderai. »

Il tendit sa main, en soupirant.

« Je t’emmène à l’infirmerie, si j’avais sût qu’une simple boule de neige ferrait cet effet, je ne l’aurais pas lancé. Évite de me rembarrer, j’aimerai ne pas avoir un mort sur la conscience. »

{Han, non, j'aime ton style, à toi o/}

Ce qu’il redoutait arriva : On venait d’ignorer complètement l’aide proposée. Pour une fois qu’Haru était dans un jour de bonté, il fallait qu’on le fasse passé pour un idiot. N’était-ce que trop demander d’accepter la main d’un inconnu pour s’aider à se redresser ? Il fallait croire que oui. Tss, foutu fierté humaine. Parfois, être humain, ou à moitié-humain puis ce que tout le monde était yajuu, avait de gros inconvénient. La fierté était un des plus gros désavantages. Comme si accepter quelque chose d’autrui pouvait vraiment blesser. Seulement l’ego était touché, pas l’enveloppe charnelle. Le blond soupira une seconde fois. Il ne connaissait que trop bien ce défaut.

Idiot. Seul mot qui lui vint à l’esprit. Idiot, Idiot, Idiot. Le mot martelait sa tête, s’acharnant contre les pensées qui tentaient de reprendre le contrôle de son esprit. La situation était idiote. Le geste d’Haru avait été idiot. Le comportement de l’inconnu était idiot.

Ce dernier essayait péniblement de se remettre sur ses jambes, plus tremblantes que prêtes à le supporter. Comme si se montrer fort et inébranlable allait lui servir à quelque chose. C’était trop tard pour jouer ces deux traits de caractères. Rien qu’à voir son visage, son allure et sa posture, on pouvait deviner qu’il souffrait. Sans savoir pleinement la raison. Certes, la boule de Neige y était pour quelque chose. Mais à ce point, non.

« Buté à ce que je vois ? »

Haru s’appuya contre la barrière, les bras croisés, le regard fixant l’autre étudiant. Son but était simple : Rester là aussi longtemps qu’il en sera de même pour le blessé.